Voici un début d’année bien trouble. Entre procès médiatiques, manifestations, contestations, les actualités se font plus qu’alarmantes… et voilà qu’au milieu de ce tintamarre de mécontentement monte de la Méditerranée les pleurs de 49 migrants, dont personne ne veut. Trois semaines de navigation forcée dans une mer agitée, dans des conditions d’hygiène déplorables. Trois semaines de tergiversation européenne. D’un côté une colère, aveugle, mais entendue, d’un autre, un désespoir inaudible et totalement évacué. On aura beaucoup parlé de mépris ces temps-ci. Il n’est pas forcément là où on le pense. Ces 49 migrants, oubliés pendant trois semaines par une Europe repliée sur ses propres problèmes, se souviendront de ce long refus d’hospitalité. La constatation désabusée que Dietrich Bonhoeffer faisait en prison en 1944 est toujours aussi pertinente : "J'observe ici régulièrement qu'il y a peu d'hommes capables d'héberger en eux simultanément beaucoup de choses ; quand les avions approchent, ils ne sont que peur ; quand ils ont quelque chose de bon à manger, leur avidité triomphe ; lorsqu'un désir reste inassouvi, ils ne sont que désespérés, et lorsque quelque chose réussit, ils ne voient plus rien d'autre. Ils passent à côté de la plénitude de la vie et de l'intégralité d'une existence propre ; la réalité tant objective que subjective se désagrège pour eux en morceaux". Oui, nous passons sans doute à côté de la plénitude la vie…
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